Voilà quelques photos d’époque d’une R69S en action et ci-dessous un résumé de son histoire.
Il s’agit de la moto de mes 20 ans. Eh oui, je l’ai achetée il y a 30 ans déjà à un gars de Trimbach qui l’avait lui même achetée à un ancien gendarme. Au début c’était pour rouler sur la route mais les pannes à répétition ( culasses fendues, cylindres fendus, support de roulement de vilebrequin fendu, etc… ) m’ont forcé à acheter une autre moto plus fiable : une BMW 250 type R25/3, un percheron. Je l’ai achetée totalement démontée et dès que cette dernière était opérationnelle, je me suis attaqué à la R69S pour en faire une machine sportive et surtout fiable. Le but était toujours de l’utiliser sur route, la maréchaussée à l’époque ne titillait pas trop les motos quelque peu “améliorées”.
Je me suis rendu compte que mon millésime, février 1962, n’était pas le meilleur. En effet elle n’a pas de damper ( un amortisseur de vibrations disponible sur les machines à partir de 1963) , ni les cylindres renforcés, ni les culasses renforcées, etc…
Après renseignements pris auprès de 2 anciens concessionnaires et courreurs j’ai commencé par équilibrer 10 fois mieux que d’origine le volant d’embrayage après lui avoir fait subir une cure d’amaigrissement de près de 2 Kg. La pharmacie du coin a été mise à contribution ( ils m’ont autorisés à utiliser leur balance de préparation de médicaments ) pour équilibrer le poids des pistons à 0,1 g près. Les cylindres furent raccourcis dans le but d’augmenter la compression.
J’ai encore pu me procurer un arbre à came de course neuf chez Schleicher, le modèle pour courses de côtes qui permet encore au moteur de conserver un couple honnête à bas-régime. Ensuite ce fut le tour des soupapes : vu que je travaillais à l’époque chez un fabricant de soupapes, le spécialiste en charge des soupapes d’essai m’en a réalisé une paire dans les mêmes matériaux que celles des moteurs Renault de F1.
Je voulais un moteur qui soit opérationnel sur route, je me suis dit que je vais adapter mon moteur pour un rendement max à 8300 t/mn, régime pas trop exagéré qui, vu la démultiplication commence à friser les 200 km/h. En tenant compte des temps d’ouverture de soupapes, de leur levée et du régime moteur voulu, mes calculs m’ont donné un diamètre de carbu de 32, ce qui correspondait à des carbus Dellortos montés sur des Ducati 900. Grâce au petites annonces, j’ai rapidement dégotté de tels carbus.
Ensuite ce fut le tour de la partie cycle. Une fourche de Honda 350 avec son frein prit la place de la fouche Earles. La machine hérita de guidons bracelets, d’une poignée Tomaselli 1/4 de tour, d’un carénage Bottelin Dumoulin, de commandes reculées fabrication maison interdisant l’utilisation du kick ( pas très pratique ) et d’une selle avec dosseret. Après quelques mois de gestation, la machine fut enfin prête peu avant Pâques dont j’ai profité du week-end rallongé pour aller à Béziers, chez des amis, histoire de faire le rodage.
Au retour, je me suis autorisé à commencer à accélerer arrivé à 50 km de chez moi. J’ai cru avoir un avion de chasse, le moteur montait sans problème dans les tours mais cela m’a très vite provoqué la casse de la dynamo qui n’a pas supporté le régime moteur.
En fait ce problème de dynamo était devenu chronique et j’ai du la réparer une dizaine de fois. C’était réellement frustrant : j’avais une moteur d’avion et je ne pouvais pas l’exploiter à cause de cette fichue dynamo…
Puis vint cette fameuse course d’oldtimers au Nurburgring en 1986 à laquelle je suis allé avec des copains où nous avons eu le grand frisson du “Continental Circus”. Dire que j’avais chez moi un cheval de course qui ne pouvait pas s’exprimer car il était limité par une bête dynamo. Cela devint évident que la place de ma R69S était sur les circuits et pas ailleurs. La dynamo a été enlevée, ainsi que l’éclairage. Un compte-tours Kröber a pris la place du compteur, de simples cônes ont pris la place des silencieux ( bonjour le bruit ) et en juin 1987, pour le Jan Wellem Pokal, j’étais sur la grille de départ.
Cette course se disputait en 2 manches. La 1ère a eu lieu à 8h du matin sous une bruine et un brouillard assez dense. Départ à l’ancienne ( à la poussette, bonjour le stress ), j’ai découvert la conduite sur circuit, la recherche de la trajectoire idéale, impressionnant, exitant, par contre impossible d’exploiter le moteur à cause des conditions météo. J’ai terminé 15ème, si mes souvenirs sont bons. La 2ème manche, par contre, a eu lieu à 14h sous un beau soleil. J’ai pris un bon départ, j’ai monté les vitesses les unes après les autres, le moteur a rugi de plaisir, puis au bout de la ligne droite a commencé à freiner tout seul. Retour direct au stand, le speaker a passé le message, mes copains n’ont pas bien compris ce qui s’est passé et pendant un court instant, se sont imaginé le pire. La responsable de cet abandon, c’était une tige de culbuteur qui a flambé.
Alors a commencé une longue série de travaux de mise au point et de fiabilisation car une machine sur circuit subit bien d’autres contraintes que sur route. Un simple exemple est le frein de Honda 350. Suffisant sur route, il était totalement inadapté sur circuit car à chaque freinage il est mis à forte contribution et il n’a plus le temps de refroidir d’un virage à l’autre. En fait il me permettait environ 5 freinages corrects puis il fallait un demi-tour de circuit pour le refoidir… Imaginez le travail. Parmi les pièces mécaniques qui m’ont donné du fil à retordre, il y avait les pièces de la distribution en mouvement alternatif : les poussoirs et les tiges de culbuteurs. Ces pièces cassaient ou se tordaient facilement et j’ai mis un certain temps à trouver que les pistons tapaient les soupapes, ce qui faisait des chocs destructeurs à toute la cinématique. Ce problème a été résolu en tarant les ressorts de soupapes à 43 Kgf comme sur les moteurs Rennsport, en montant des poussoirs renforcés et en décomprimant légèrement le moteur par montage de cales sous les cylindres. Puis les innombrables essais pour déterminer le bon indice thermique de la bougie : assez froid pour ne pas prendre de risque de perçage de piston et assez chaud pour permettre un démarrage à froid. Ensuite, une fois que le moteur marchait, ce fut au tour de
l’embrayage dont il a fallu comprimer le ressort avec une rondelle de 2 mm pour qu’il arrête de patiner. La fourche Honda et son frein ont à nouveau laissé la place à la fourche Earles, plus lourde mais équipé d’un frein de 200 mm qui avait un potentiel bien supérieur. En effet, une fois équipé de Ferrodos spéciaux et avec des cames au profil retravaillé, ce frein était devenu redoutable, au point d’être à l’origine d’une chute, à faible vitesse heureusement.
C’est ainsi qu’au fur et à mesure des courses, la R69S était vraiment devenue fiable et m’a permis de découvrir quelques beaux circuits comme par exemple le Nurburgring, le Hockenheimring et le Hungaroring.
Après plusieurs saisons, je l’ai remisée. Elle a eu l’occasion de remettre ses pneus sur un circuit en 1996 sur l’anneau de Monthléry et depuis elle attend que je la réveille en profitant à chaque fois que je travaille dans mon atelier pour me lancer du coin de l’oeil un regard insistant.
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